CNESERAAV

Déclaration liminaire CNESERAAV jeudi 12 novembre 2020 au nom de la FSVF, de la FSU, du SGEN-CFDT, de la CGT Agri et de FO enseignement agricole

Demande de moratoire sur la création d’écoles vétérinaires privées afin de permettre la concertation et le débat approfondi qui auraient dû avoir lieu préalablement à ce changement législatif

Considérant que :

  • Les syndicats professionnels vétérinaires soulignent que le texte proposé n’offre pas de garanties suffisantes et fait peser beaucoup d’incertitudes sur l’avenir de la profession vétérinaire ;
  • Les enseignants des 4 ENV ont largement voté (204 votes pour sur 211 exprimés) cette semaine une motion afin de demander un moratoire sur la création d’écoles vétérinaires privées (I.4 de l’article 22 bis de la Loi LPPR) afin de permettre la concertation et le débat approfondi qui auraient dû avoir lieu préalablement à ce changement législatif ;
  • Les enseignants de deux des quatre écoles vétérinaires ont voté une motion proposant d’accroitre la capacité d’accueil des étudiants dans leurs établissements afin de répondre au besoin de formation de vétérinaires, avec les moyens homothétiques pour les former ;
  • Les étudiants et internes de deux écoles vétérinaires sur quatre ont réalisé une concertation et se sont très majoritairement prononcés contre la création d’écoles vétérinaires privées, de même que l’ensemble des élus étudiants du CEVE, du CA et du CNESERAAV des 4 ENV.

La création d’écoles vétérinaires privées justifie une réflexion d’ensemble sur le dispositif de formation et sur son adaptation aux besoins de la société dans les différents domaines d’activité des vétérinaires. En effet, une telle évolution, qui serait la plus importante pour notre profession depuis la création du doctorat vétérinaire en 1923, a forcément de nombreuses implications sur l’unicité du diplôme, sur le risque d’une formation selon deux logiques différentes et donc sur la façon dont les vétérinaires remplissent leurs missions au service de la société et de l’État.

Cette réflexion nécessite d’associer étroitement les professionnels vétérinaires ainsi que l’ensemble des parties prenantes concernées par les enjeux de santé et de bien-être animal, de sécurité de la chaîne alimentaire et d’approche globale des enjeux de santé, notamment le concept « One Health ».

C’est la raison pour laquelle l’ensemble des organisations représentatives des intérêts de la formation et de la profession vétérinaire (organisations syndicales des personnels représentées au CNESERAAV, représentants des étudiants, FSVF) attirent l’attention sur des points de fragilité, qui illustrent la nécessité de conduire une réflexion approfondie.

  1. Fragilité du maillage vétérinaire dans certaines zones de désertification rurale

Le principal argument avancé pour justifier la création d’une école vétérinaire privée est la nécessité de former plus de vétérinaires pour lutter contre la désertification rurale et assurer la continuité des soins des animaux d’élevage.

La fragilité du maillage vétérinaire dans certaines zones rurales est une réalité depuis une vingtaine d’années. Elle s’est accélérée du fait de la diminution régulière de la rentabilité économique des activités vétérinaires en productions animales dans ces zones à faible densité d’élevage pour les établissements de soins. C’est donc en premier lieu un problème de demande et non pas d’offre. Les solutions se trouvent dans un nouveau modèle économique, qui reste à construire, entre l’ensemble des acteurs en incluant l’État et les collectivités territoriales.

2. Risque d’une formation duale

Seuls l’Espagne et le Portugal au sein de l’UE ont adopté le principe de création d’écoles vétérinaires privées. Les autres pays ont fait le choix de maintenir un enseignement vétérinaire public et y consacrent des moyens souvent supérieurs aux nôtres.

Comment garantir une formation de même niveau, assurée par des enseignants-chercheurs et basée sur une recherche de qualité, permettant une formation d’excellence et une expertise de haut niveau scientifique pour l’État ? Le risque d’une formation hétérogène pour un unique diplôme vétérinaire nous semble réel et sérieux : il nous parait indispensable que la profession participe à l’élaboration des garanties. Le texte proposé n’en offre pas de suffisantes, c’est pour cela qu’un moratoire nous semble indispensable.

3. Coût des études

Le coût annoncé pour les familles est supérieur à 90 000 euros pour six années d’études. Quelles familles pourront assumer une telle dépense ? Cet écart de coût avec l’enseignement public nous interpelle et nous souhaitons que des réponses satisfaisantes soient apportées afin d’éviter une sélection par l’argent, contraire à nos valeurs.

Nous constatons par ailleurs que les quatre Écoles Nationales Vétérinaires se sont profondément transformées au cours des dernières années et accueillent aujourd’hui des promotions plus nombreuses.

Un nouveau dispositif de recrutement (les classes préparatoires intégrées) se mettra en place dès la rentrée 2021. Il permettra de raccourcir la durée des études d’une ou deux années, diminuant ainsi le coût tant pour les familles que pour les finances de l’État. De plus, certaines écoles vétérinaires proposent de former des promotions de 200 étudiants.

L’ensemble des organisations syndicales de la profession vétérinaire, regroupées au sein de la FSVF, considère que le projet actuel de création d’une école vétérinaire privée pose des questions à la profession vétérinaire quant à son présent et son avenir.

Aussi nous demandons que soit réalisée une étude d’impact de ces modifications sur les 4 écoles déjà existantes (budget, enseignants, …), sur la qualité de l’enseignement, sur le maillage vétérinaire, mais également sur la fuite des étudiants français à l’étranger. Cette étude est indispensable.

Enfin nous demandons, pendant la période de moratoire, à être associés au travail approfondi qui doit être conduit afin d’apporter des réponses appropriées au défi majeur que nous connaissons : permettre le maintien d’un maillage vétérinaire sur l’ensemble du territoire, tout en assurant une formation d’excellence capable de répondre aux enjeux de demain.