Enseignement Technique

Enquête sur la mise en œuvre dans l’enseignement agricole de la réforme des seuils et du baccalauréat

RÉSULTATS de l’enquête sur la mise en œuvre dans l’enseignement agricole de la réforme des seuils et du baccalauréat (février 2020) et revendications de l’intersyndicale

Une enquête sous le signe de l’urgence

Percutés de plein fouet par les suppressions d’emplois, les réformes du lycée, de la voie générale, de la voie professionnelle, de l’apprentissage et des seuils de dédoublement… les personnels de l’enseignement agricole se sont fortement mobilisés durant l’année scolaire 2018 – 2019. Devant la dégradation annoncée des conditions d’apprentissage des élèves, apprenti.es et étudiant.es et des conditions de travail et d’emploi des personnels, une Intersyndicale historique s’est constituée regroupant une très large majorité des organisations du public et du privé.

Leurs actions ont obligé l’administration à ouvrir des négociations en fin d’année scolaire. A l’issue des échanges, souvent tendus, le Ministère a présenté le 9 juillet dernier les « Principales mesures concrètes proposées à l’Intersyndicale de l’EA » . L’Intersyndicale CGT-Agri – Fep-CFDT – FO-Enseignement agricole – FOMFR – Sea-UNSA – SUD-Rural territoires – Sneip-CGT – Snec-CFTC – Snetap-FSU a immédiatement signalé que ces mesures étaient largement insuffisantes pour contrer les méfaits de l’ensemble des réformes et améliorer la situation des élèves et des personnels.
La situation des établissements deux mois après la rentrée comme le projet de budget 2020 en cours d’élaboration par les parlementaires nous ont confirmé que nous avions raison.

Aussi, comme elle l’avait annoncé dès la fin des négociations, l’Intersyndicale a décidé de mettre en place un observatoire des dégradations de l’Enseignement Agricole (ODEA) dont l’objectif est de maintenir une veille constante de la situation de l’Enseignement agricole public et privé.

Parce que l’administration a peu à peu cassé les outils de suivi (disparition de l’ONEA, suppression du panorama de l’EA, …) ou modifié les critères d’évaluation du système (exemple avec la mise en œuvre du Bac Pro 3 ans ), l’observatoire souhaite garantir une continuité dans le suivi de la situation de l’EA et des conséquences engendrées par les différentes réformes sur le long terme.

L’enquête intersyndicale que nous vous avons menée est la première de l’ODEA. Son objectif était de mesurer les conséquences du rehaussement et de la dérégulation des seuils d’une part et de la réforme du bac d’autre part pour avoir des données fiables et suffisamment représentatives. Voici ses premiers résultats.

Les résultats de l’enquête

Une enquête perçue comme nécessaire par les agents.

Près de 50 % des établissements publics comme privés ont répondu à l’enquête de l’ODEA, soit près de 200 établissements. Nous constatons que l’urgence et la gravité de la situation perçue par l’Intersyndicale ont rencontré un premier écho par la quantité et la qualité des réponses à cette enquête diffusée entre novembre et décembre 2019. La répartition Public/Privé se fait sur des valeurs 60/40.

Des équipes tardivement informées

C’est la première information donnée par les équipes des établissements. Les informations concernant ces réformes (seuil, réforme du Bac G et technologique) sont arrivées trop tardivement dans les établissements. Cela fut souvent le fait des organisations syndicales (72%) ou des directeur.trice.s d’établissement (38%)

Des équipes peu consultées…et en dehors des instances réglementaires

La mise en place de tous ces nouveaux dispositifs, d’une nouvelle organisation pédagogique induite par ces réformes auraient dû faire l’objet d’une consultation des instances (CI, CA ou CSE), cela n’a manifestement pas été le cas. Ainsi, 70 % des établissements n’ont pas fait de consultation des CI/CA. De plus, quand les instances ont abordé le sujet, l’échange n’a pas donné lieu à un vote, une délibération. Pour ces établissements cela a été traité comme un simple point d’information. A ce stade et donc au niveau local, celui de la mise en œuvre des réformes, les équipes éducatives considèrent n’avoir été pas consultées (70%) ou pas concertées (30 %).

Suppression des seuils, une application encore incomplète

L’enquête montre donc que la modification des seuils (augmentation et caractère indicatif), ne s’est pour l’instant mise en place que dans seulement 50 % des établissements. La rentrée déjà préparée ou les faibles effectifs parfois, les arrangements temporaires locaux peuvent être des éléments d’explication à l’application incomplète de cette contre-réforme. Dans le privé elle ne s’est pas réellement appliquée à la rentrée 2019 en raison notamment d’une propension à prendre depuis longtemps des libertés par rapport aux grilles fixées pourtant dans les arrêtés. La rentrée 2020 ne devrait en être que plus dure. Quand elle est mise en œuvre donc, ce sont surtout les classes de seconde GT qui sont concernées ou dans lesquelles l’application a été vécue comme la plus problématique.

Un des aspects symboliques de la suppression de ces seuils de dédoublement obligatoires concerne les langues vivantes. Elles devaient être, selon la DGER, « préservées » voire « confortées » par la réforme. Il n’en est rien été puisque le seuil de 20 n’est pas obligatoire mais seulement indicatif. Dans les faits ce seuil n’est appliqué que dans 50 % des établissements. 

De nombreuses conséquences négatives

Les premières analyses des équipes font état d’une situation déjà très dégradées (pour une réforme qui n’a que quelques mois). Ainsi, les collègues insistent sur la détérioration des conditions d’apprentissage (plus de 70 % des situations). Malgré les engagements fermes de la DGER, on constate que la dégradation des conditions de sécurité pour les jeunes est pointée. Que ce soit en TP/TD dans les laboratoires de sciences ou encore dans certaines disciplines techniques sur le terrain (exemple de la zootechnie en Bac Pro). Désormais pilotée totalement localement, la notion de dédoublement entraîne majoritairement le sentiment d’inégalités ou de favoritisme entre filières, entre disciplines, entre collègues. Inévitablement cela est DEJA ressenti, dans les salles des professeurs comme une source de tension qui impacte fortement l’ambiance de travail

Nos collègues font également remonter qu’avec cette réforme c’est l’ADN de l’enseignement agricole qui est attaqué. Ainsi, plus d’élèves par classe, c’est moins de temps à passer auprès de chaque élève, c’est notre image de classes peu chargées qui se dégrade. C’est aussi rendre plus difficile les TP, les sorties sur le terrain ou encore la pédagogie de projet, spécificités de nos formations. Les collègues font également remonter les difficultés à prendre en charge les apprenants nécessitant plus d’accompagnement pédagogique, leurs droits risquent de ne pas être respectés. Cela est d’autant plus grave que le nombre des apprenants en difficulté est en forte croissance ces dernières années dans l’EA. Ce n’est pas de cette façon, que la courbe des effectifs va s’inverser.

Des conséquences pour les personnels, les établissements

Mais les conséquences néfastes vont encore plus loin. Ainsi, pour financer malgré tout des dédoublements « raisonnables », c’est à dire pour conserver les « anciens » seuils de dédoublement, reconnus par les établissements comme pertinents, sécurisants ou tout simplement nécessaires et donc rentrer dans la DGH, nombre d’établissements ont eu recours à la suppression d’enseignements facultatifs (40 %) ou pour les établissements privés à un financement sur fonds propre.. Il est évident qu’une des principales conséquences relevées par les collègues quant à l’augmentation des seuils se révèle être l’augmentation du nombre de sous service (33%). Cela a pu également prendre la forme de gel, fermeture, classes/sections (11%). Enfin, le constat à cette rentrée, dans ce flot de réformes est aussi le développement incontrôlé des dispositifs de mixage des publics (18%).

Une réforme qui fragilise la filière générale

Sans surprise les classes de premières générales ne proposent que les 3 spécialités de l’enseignement agricole. Cette enquête met surtout en valeur l’extrême difficulté pour les établissements à proposer la 4e spécialité puisque seulement 11 % des établissements qui ont répondu propose une autre spécialité que la biologie-écologie, la physique-chimie et les mathématiques.

Les réponses ici sont très claires, l’AET est clairement une option menacée. L’AET est bien en concurrence avec les autres options (notamment avec l’hippologie-équitation). Dans de nombreux établissements les « faibles » effectifs ont conduit à l’absence d’ouverture de cette option. Selon les retours du terrain, si l’option est proposée dans 74 % des établissements en classe de 1ère…elle ne serait ouverte que dans 51 % des lycées en terminale. Comment est-ce possible ?

Si des incertitudes demeurent quant à la réalité du financement des 2e ou 3e doublettes ou encore des options de terminale. Il apparaît suite à l’enquête que nombre d’établissements proposerons la doublette Biologie-écologie/Mathématiques (72%) ou la doublette PC/Biologie-écologie (82%). Seulement 26 % des lycées proposeraient la doublette mathématiques/biologie-écologie. Pour ce qui est des options de terminale, avec toujours les mêmes incertitudes sur le financement, le tableau est aussi clair qu’inquiétant pour nos élèves : 66 % des lycées proposeraient l’option hippologie-équitation, 20 % mathématiques expertes, 55 % mathématiques complémentaires et 51 % AET. Inquiétantes seront donc les cartes scolaires des établissements pour les options : que feront les élèves qui ne pourront pas suivre une option en mathématiques ?

Au finale, les conséquences de cette réforme de la voie générale sont nombreuses mais très claires. C’est bien une forme de fragilisation de la filière que renvoient les collègues. Elle se traduit par une baisse de recrutement (50 % des réponses), une augmentation de la charge de travail (58%). Les enseignants ont aussi constaté très clairement une baisse des volumes horaires.

Fortes des résultats de cette enquête, nos organisations syndicales persistent à revendiquer :

  • la suppression immédiate du caractère indicatif et du ré-haussement des seuils dans les grilles horaires des diplômes de l’enseignement agricole,
  • l’arrêt des suppressions de postes dans l’enseignement agricole et des baisses de DGH,
  • l’arrêt de tous les dispositifs de mixage des publics ou des parcours forcés dans les établissements d’enseignement agricole
  • la remise à plat de la DGH pédagogique pour sa part « optionnelle » (besoins couverts, mode de calcul),

Télécharger le document