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Edito de Brigitte Perrot du 15 janvier 2018

Pénitentiaire : ça suffit !

 

La coupe était pleine depuis longtemps dans l’administration pénitentiaire. Jeudi, après l’ignoble agression de trois surveillants à la prison de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais, elle a fini par déborder. Dès vendredi matin, plus d’un tiers des 188 établissements avaient débrayé pour soutenir leurs collègues et demander que des mesures efficaces soient prises. Samedi matin, la réunion à la Chancellerie tournait court, les représentants syndicaux n’ayant pas de temps à perdre avec les membres du cabinet de la Ministre qui n’avaient rien à leur proposer…  Du coup, dès ce lundi 6 heures, l’intersyndicale appelait au blocage total de l’institution pénitentiaire, une action reconductible. Cet événement ne fait que jeter un coup de projecteur supplémentaire sur une situation qui perdure depuis longtemps. «Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons ». Cette citation attribuée soit à Albert Camus soit à Dostoïevski résume assez bien de qui est, au fond et avant tout, un  problème de société. Car la prison est ce lieu étrange partagé entre ceux qui gardent et ceux qui sont gardés. Et au fil des ans, depuis que la société enferme ceux qui enfreignent ses lois, on a fini par confondre les deux « populations « : le prisonnier et le gardien comme s’il appartenait à ce dernier de veiller à l’application de la peine !! On se débarrasse du prisonnier sur le gardien, à lui de se débrouiller et de porter seul le fatum. Et voilà où on en arrive : une profession mal aimée voire méprisée qui doit gérer seul l’enfermement (qui n’est pas seulement la privation de liberté mais ceci est un autre débat !). Résultat des courses, depuis  5 ans, on compte plus de 4000 actes de violence contre  des surveillants chaque année. Et les agressions sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Certains détenus, agressent pour tuer !  Cette attaque de Vendin-le-Vieil  subit l’effet de loupe générée par la nature de l’assaillant, un détenu radicalisé et prêt à tout pour ne pas avoir à répondre à la justice américaine devant laquelle il pourrait se retrouver. Mais le problème est bien plus profond. La prison remplit-elle son rôle qui est aussi de réinsérer ? C’est ce que rappelait, il ya peu lors d’une interview* notre camarade Emmanuel Baudin, secrétaire général du SNP-FO-PS : « Bien sûr qu’il faut des places de prison mais il faut surtout une politique de réinsertion cohérente. Aujourd’hui, on ne fait rien pour que les détenus apprennent quelque chose. La prison n’a pas  d’autre utilité que d’enfermer et isoler de la société. Mais l’oisiveté en prison fait monter la tension et la violence. Et avec le chômage que l’on a, c’est difficile de fournir  des jobs aux prisonniers. Du coup, le nombre d’indigents augmente. Tout comme pour la société c’est un cercle vicieux. Plus de chômage veut dire plus de précarité et donc plus de délinquance. La pauvreté et l’exclusion sont la racine du mal. Et à l’image de notre société, les prisons sont de plus en plus violentes ». Tout est dit et, malheureusement, beaucoup reste à faire.

Brigitte PERROT

 

*Interview au Journal de l’Île de la Réunion du12 janvier 2018.